Publié en 2014 aux éditions 10-18

Lorsque sur un coup de tête, Cheryl Strayed boucle son sac à dos, elle n’a aucune idée de ce qui l’attend. Tout ce qu’elle sait, c’est que sa vie est un désastre. Entre une mère trop aimée, brutalement disparue, un divorce douloureux et un lourd passé de junkie, Cheryl vacille. Pour tenir debout et affronter les fantômes de son passé, elle choisit de s’en remettre à la nature et de marcher. Elle part seule pour une randonnée de mille sept cents kilomètres sur le Chemin des crêtes du Pacifique, un parcours abrupt et sauvage de l’Ouest américain. Au fil de cette longue route, elle va surmonter douleurs et fatigue pour renouer avec elle-même et finalement trouver sa voie.

« J’ai marché, marché, l’esprit en mode primal, vide de toute pensée à l’exception d’une seule : aller de l’avant. J’ai continué jusqu’à ce que mon corps se rebelle et que je ne puisse plus mettre un pied devant l’autre. Alors j’ai couru.»

J’ai vu l’adaptation de ce récit autobiographique il y a déjà quelques mois, et l’idée de le lire me titillait depuis, d’autant plus que je ne voyais que des retours positifs sur la blogosphère. C’est désormais chose faite, et le film me paraît anecdotique face à cette autobiographie exceptionnelle qui m’a fait voyager, avec parfois un sourire sur les lèvres, mais aussi quelques larmes surtout lorsque j’ai atteint les dernières pages à mon plus grand regret.

Cheryl part dans cette randonnée difficile sur un coup de tête, elle n’a aucune expérience des réalités de ce genre d’aventure et embarque avec elle « Monster », son sac à dos qu’elle ne peut faire décoller du sol sans insister en pratiquant une méthode particulièrement ridicule en prenant de l’élan. Ses chaussures sont trop petites et lui font souffrir le martyre. Elle n’a pas pris la bonne bouteille de gaz pour son réchaud. Elle a emporté son après-shampoing mais peine déjà à trouver des sources d’eau. C’est une femme, une personne comme une autre, pas une aventurière hors-pair. Pourtant, sur la route, malgré toutes ses difficultés et sa lenteur digne d’un escargot, Cheryl tient le coup. Les douleurs de son corps sont omniprésentes et lui permettent de ne penser à rien d’autre qu’à la marche, et surtout pas au décès de sa mère ou à son divorce récent.

C’est cette inexpérience qui la rend si attachante et qui donne tout son relief à cette aventure hors du commun. On ressent sa douleur à la fois physique et mentale. Quelques retours sur son passé nous font comprendre ce qu’elle a vécu et découvrir les démons qu’elle combat en mettant son corps à l’épreuve. Cheryl ne stagne pas et évolue pour devenir une « putain de guerrière amazone ».

Son chemin est aussi jalonné de rencontres pour la plupart positives. Si elle est considérée comme la débutante au début de sa route, elle ne tarde pourtant pas à être au même niveau que ses pairs et n’abandonne pas son voyage quand certains d’entre eux retournent à la vie réelle de façon précipitée. Les randonneurs forment une vraie famille, se séparent et se retrouvent dans des points d’étapes. L’histoire qu’ils vivent peut rappeler celle des colonies de vacances que j’ai pu vivre étant plus jeune, ces amitiés très fortes qu’on peut nouer en quelques semaines et qui se défont pour la plupart sitôt que le voyage est fini, ne retirant rien à leur importance dans notre vie.

Ce récit m’a profondément touchée, j’y ai trouvé le dépaysement que je recherchais et le parcours physique et mental de Cheryl Strayed est fascinant. En lisant les dernières lignes, je me suis sentie triste de devoir la quitter, notre voyage se terminait et il me manquait déjà, non pas que la fin soit précipitée, au contraire elle est à l’image du livre, parfaite. C’est mon premier gros coup de cœur de 2016 et je ne peux que vous le recommander.