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Room – Emma Donoghue

Room Emma DonoghuePublié en 2010 aux éditions Brown and Company – Lu en VO

Sur le point de fêter ses cinq ans, Jack a les préoccupations des petits garçons de son âge. Ou presque. Il ne pense qu’à jouer et à essayer de comprendre le monde qui l’entoure, comptant sur sa mère pour répondre à toutes ses questions. Cette mère occupe dans sa vie une place immense, d’autant plus qu’il habite seule avec elle dans une pièce unique, depuis sa naissance. Il y a bien les visites du Grand Méchant Nick, mais Ma fait tout pour éviter à Jack le moindre contact avec ce personnage. Jusqu’au jour où elle réalise que l’enfant grandit, et qu’elle ne va pouvoir continuer longtemps à entretenir l’illusion d’une vie ordinaire. Elle va alors tout risquer pour permettre à Jack de s’enfuir.


Le livre

Il y a quelques jours, nous étions en train de faire un choix pour une nouvelle lecture commune avec Saleanndre. J’ai proposé Room, qui était dans ma PAL depuis quelques semaines et elle a directement été emballée par l’idée. On s’est lancées, elle en français, moi en anglais. C’est ainsi que débute l’histoire d’une lecture exceptionnelle.

Ce qui surprend dès le départ avec ce roman unique, c’est son narrateur. Emma Donoghue choisit de présenter son histoire à travers les yeux de Jack, l’enfant qui n’a jamais connu autre chose que « Room », et pour qui tout ce qui est dans la télévision n’est pas réel. Seuls sont réels les objets qui meublent tristement la petite pièce qu’il partage avec « Ma » : il y a Tapis, Lampe, « Skylight », Placard, Plante… J’avais peur que la narration soit trop puérile du fait que nous nous retrouvions dans l’esprit de Jack, mais c’est justement ce choix qui permet au roman de trouver un parfait équilibre : la naïveté de l’enfant contrebalance l’aspect sordide de sa condition et élève l’oeuvre. Là où nous aurions pu trouver du voyeurisme, il n’y a que des mots d’enfants qui nous font comprendre la gravité de la situation sans abuser de détails scabreux. Room est également une lecture où il est parfois question d’interpréter les propos de Jack pour apporter un second regard plus mature, le nôtre, sur cette histoire.

À chaque jour sa routine jusqu’à ce que tout change, Ma décidant qu’il est temps de tout tenter pour fuir cet endroit.  Lorsque Jack et Ma parviennent à s’échapper, ils se heurtent à de nouveaux obstacles : Jack doit apprivoiser son nouvel environnement, Ma subit le regard des autres sur son histoire et son choix de garder Jack auprès d’elle. Ce sont deux combats bien différents et ils sont traités avec beaucoup de justesse. Ce n’est pas parce qu’ils sont enfin libres qu’ils deviennent automatiquement heureux, et suivre les progrès de l’un et de l’autre à travers cette nouvelle vie offre un autre intérêt de taille au roman. Tous les détails sont là, ceux auxquels ont pense tout de suite et ceux qui ne nous viendraient même pas à l’idée. On réalise que la route est encore longue, et que chacun à besoin de l’autre pour s’en sortir.

Bien sûr, Room est une puissante démonstration de l’indestructible amour que peut offrir un enfant, un sentiment sans faille, d’une incroyable pureté, un amour qui sauve la vie de Ma. On ne tombe pas dans la niaiserie pour autant, les disputes entre mère et fils sont quasi-quotidiennes, mais c’est grâce à ces conflits qu’on saisit l’affection indescriptible qu’ils se portent, parce qu’ils se réconcilient toujours.

« – They’re still […] trying to figure out what I need.
Me, she needs me. Can’t she figure that out ? »

Room me hante encore et me restera longtemps en tête. C’est un immense coup de cœur, peu importe ce à quoi vous vous attendez en tournant la première page, votre impression sera inexacte. 


Lire en anglais

J’ai été déroutée durant les premières pages et j’ai eu besoin d’un temps d’adaptation, mais une fois lancée dans l’histoire j’ai dévoré le livre en oubliant presque qu’il était en anglais. Je n’ai pas ressenti de difficulté face au vocabulaire utilisé, et j’ai même réussi à repérer un bon nombre de fautes d’anglais de la part de Jack (chaque repérage était un petit moment de fierté personnelle). Je pense que c’est un roman relativement facile à aborder, je ne le recommanderai bien évidemment pas pour une première lecture en anglais, mais si vous avez déjà une certaine aisance sur des œuvres pas trop compliquées, vous devriez y arriver sans problèmes.

Je dois admettre que j’aurai même tendance à vous conseiller de privilégier la VO. Je ne me détache pas de l’impression que la narration est un peu plus puérile en français, où le lait est désigné par « Doudou Lait » au lieu d’un sobre « some », « Ma » devient « Maman », « Old Nick » devient « Le Grand Méchant Nick », les objets simplement désignés par leur nom avec une majuscule deviennent des « Monsieur » et « Madame », etc. On ne peut pas pour autant trop blâmer la traductrice, son travail n’a pas dû être évident, et ça n’a pas empêché Saleanndre d’aimer ce roman autant que moi :).


Le film

Le choix des acteurs était primordial dans ce film puisqu’une longue partie de l’intrigue se déroule seulement avec Jack et « Ma », malgré les quelques incursions de « Old Nick », et ils sont tous les deux parfaits. J’ai été abasourdie par le talent de Jacob Tremblay (Jack), rien ne sonne jamais faux dans son interprétation, c’est l’un des meilleurs enfants acteurs que j’ai pu voir. En réalité je n’ai même pas envie de dire « enfant acteur » : c’est l’un des meilleurs acteurs que j’ai pu voir, tout simplement. Brie Larson n’est pas en reste puisque son interprétation de Ma lui a valu un Oscar ainsi qu’une longue liste de prix divers et variés (39 si j’ai bien compté sur sa page Wikipédia… hallucinant, non ?).

En revanche, j’ai été moins portée par l’intrigue. Si la première partie, dans Room, est très bien retranscrite, j’ai trouvé que beaucoup trop d’éléments avaient été laissés de côté quand Ma et Jack se trouvent à l’extérieur, nuisant à la logique de l’histoire. Le temps d’adaptation de Jack au monde extérieur est considérablement réduit et devient (en apparence) trop « facile ». Je suppose que les spectateurs n’ayant pas lu le livre ne ressentiront pas ce manque, mais après avoir parcouru toutes ces pages, je regrette que certaines choses aient été éludées.

Le film reste une adaptation honorable de ce roman, des éléments ont été oubliés mais d’autres sont là dans tous les détails et, plus important encore, on ressent très bien le fait que nous sommes dans la tête de Jack, ce qui représentait un défi de taille. C’est une oeuvre très belle à elle seule et certaines scènes n’ont pas manqué de profondément m’émouvoir.

PS : La chronique de Saleanndre arrive dans quelques jours, n’oubliez pas d’aller voir sur son blog

PS2 : Je viens de remarquer que, décidément, je suis dans ma période « romans adaptés avec acteurs Oscarisés », d’abord Leonardo, maintenant Brie !

26 réflexions au sujet de « Room – Emma Donoghue »

    1. Le thème a été difficile à gérer au niveau de l’émotion surtout, vu que tu es maman ça risque d’être encore plus éprouvant pour toi j’imagine, mais je pense qu’il pourrait beaucoup te plaire…

    1. J’espère que tu trouveras une occasion de le lire, je pense quand même que c’est beaucoup mieux de commencer par le roman que par le film, même s’il est assez bien fait.

  1. Je viens enfin de poster mon article !
    Et comme je te l’ai déjà dit, le tien est top et vient parfaitement compléter le mien, bien moins précis.
    Merci pour cette LC, et vivement la prochaine ! (on sait déjà avec quoi :p)

    1. Je vais voir ton artiiicle :). C’était vraiment une super LC, comme les autres LC qu’on a fait jusqu’à aujourd’hui en fait, à croire que ça nous porte chance ^^.

  2. J’ai adoré aussi ! Tu me donnes envie de tenter le film avec ta critique. J’ai tellement aimé ce roman que j’ai peur d’être hyper déçue par le film… Du coup, je n’ose pas le regarder X’D Je vais peut-être me lancer maintenant ^.^

  3. Eh bien maintenant j’ai envie de découvrir ce,,roman qui ne me tentait pas plus que ca a la base. J’ai bcp aimé ta chronique qui est très complète et encore un fois les mots sont justes, maîtrisés. Ma PAL ne va pas être du tout contente haha !

    1. Merci ! J’aurais bien envie de dire « désolée » mais je ne le penserais pas sincèrement :p. C’est un roman à découvrir, à la fois plein d’émotions et tout en pudeur !

  4. Une foule d’images me reviennent en lisant ton billet. Quel roman bouleversant… Le style y est pour beaucoup, aussi.
    J’ai vu le film récemment, et je l’aurais aimé si je n’avais pas lu le livre avant!

    1. Il me marquera pour longtemps aussi je pense. Le film doit sûrement être plus apprécié par ceux qui n’ont pas lu le livre, je suis bien d’accord là-dessus, mais je suis heureuse que Ma et Jack aient été si bien portés à l’écran.

    1. Oui oui oui et re-oui ! Surtout si le film t’a plu, tu devrais être encore plus embarquée dans le roman, beaucoup mieux développé dans la seconde partie.

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