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Antispéciste – Aymeric Caron

Antispéciste aymeric caron

Publié en 2016 aux éditions Don Quichotte

Avant de débuter cette chronique, une petite mise au point niveau vocabulaire s’impose si vous n’êtes pas forcément calés – ce que je ne reprocherai à personne, il n’est pas trop tard pour s’y intéresser -.

  • un flexitarien mange de la viande très occasionnellement,
  • un végétarien ne mange ni viande, ni poisson (ça c’est moi, coucou),
  • un végétalien ne mange ni viande, ni poisson, ni aliments liés à l’exploitation animale,
  • un vegan ne consomme aucun produit lié à l’exploitation animale, aussi bien au niveau alimentaire qu’au niveau de la cosmétique, de l’habillement etc.

Dans cette chronique, je désignerai ces 4 catégories de personnes par le terme végéta*ien.

La construction du mot « spécisme » doit vous en rappeler d’autres : sexisme, racisme. Le concept est le même mais s’applique à l’espèce, comme les deux autres s’appliquent au sexe et à la race. Le spécisme justifie l’exploitation des animaux pour nous nourrir, nous servir ou nous distraire par leur infériorité intellectuelle (entre autres). L’antispécisme considère au contraire que les animaux non humains doivent avoir certains droits, comme tout simplement celui de vivre et de s’épanouir. L’antispécisme comporte deux branches :

  • les welfaristes, qui ne sont pas complètement contre l’idée d’exploiter des animaux non humains seulement si ceux-ci sont traités décemment, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui, les scandales récents nous le prouvent,
  • les abolitionnistes, qui sont pour l’arrêt pur et simple de l’exploitation des animaux non humains pour quelque but que ce soit.

Aymeric Caron fait partie du second camp et déploie donc un certain nombres d’arguments pour sa cause. Je ne suis pas forcément d’accord avec tout (encore heureux, ça veut dire que je réfléchis et ça empêchera peut-être certaines personnes de me traiter de fanatique), mais la façon qu’a l’auteur de nous remettre à notre juste place vaut le coup d’œil. Qui sommes-nous, humains ? À peine une poussière dans l’univers, assez insignifiante en fait. Nous avons tellement pris l’habitude de nous placer au centre de tout que nous en oublions notre réelle importance – quasi nulle. Nous considérons que tout nous est dû mais nous ne sommes pas les premiers à peupler la Terre, nous ne serons probablement pas les derniers non plus. Nous sommes par ailleurs loin d’être une de ces espèces essentielles à la bonne santé de notre planète, bien au contraire, nous nous acharnons à détruire notre maison et, ce faisant, les autres espèces qui l’habitent.

« Toute vie doit être respectée et épargnée lorsque c’est possible, et lorsque cette vie est en capacité de profiter d’elle-même. »

Ce paragraphe pourrait vous laisser penser que l’antispécisme est anthropophobe, ce n’est pas le cas. L’antispécisme se bat pour l’égalité entre les espèces, il serait totalement contre-productif de souhaiter créer des inégalités entre les hommes. L’antispécisme, aussi étrange que cela puisse paraître aux yeux de certains, pourrait aussi être considéré comme une nouvelle forme d’humanisme qui permettrait aux hommes de se réaliser pleinement au sein d’une nouvelle société, bien que celle-ci accorde autant d’importance aux autres espèces. Je ne développerai pas davantage cette idée ici car l’auteur le fait très bien dans cet essai, mais je souhaitais aborder cet argument pour que personne ne réagisse au quart de tour en disant que les antispécistes en ont après l’espèce humaine, ce qui est faux.

« On peut inclure dans le lot des victimes les 50 000 employés d’abattoir, dont certains apparaissent sur les vidéos clandestines de L214 en train de brutaliser les animaux […]. Ils sont devenus des bêtes plus animales que celles qu’ils mettent à mort. Dépassés par la tâche inhumaine qu’on leur demande d’accomplir, ils n’ont d’autre choix pour supporter leur sort que de se montrer inhumains à leur tour. Personne, à part peut-être quelques sadiques qui ont pu se glisser dans le lot, ne pourra affirmer qu’il fait ce métier par envie. »

Le plus intéressant dans l’essai d’Aymeric Caron n’est pas tant sa description de l’antispécisme que les possibles solutions qu’il apporte. L’un des reproches que l’on peut faire à l’antispécisme est d’apporter des arguments pour la défense des animaux sans réellement se projeter dans une société où l’on mettrait fin à leur exploitation. Ici, l’auteur reprend de nombreuses sources pour expliquer tout ce qui cloche dans notre système actuel, aussi bien au niveau politique qu’au niveau économique ou éthique. Je suis d’accord avec tout ça, il faut être inconscient pour encore se bercer de « je vais bien, tout va bien » dans la situation actuelle, particulièrement catastrophique. Je suis moins d’accord avec certaines des solutions proposées, que j’ai parfois trouvées trop idéalistes.

« Le sens que nous pouvons essayer de donner à notre existence ne peut absolument pas émaner d’une réussite matérielle personnelle, aussi éphémère que vaine. En revanche, contribuer au progrès moral de l’humanité, même modestement, est le moyen de justifier notre bref passage sur la planète. »

L’auteur souligne qu’il ne faut pas renoncer à l’utopie, peut-être qu’un jour l’humanité apprendra de ses erreurs et rebâtira un système plus sage, loin du consumérisme dans lequel l’individu finit par se noyer, peut-être… et il est vrai qu’on peut déjà constater un certain éveil des populations, ne serait-ce qu’en constatant la croissance du nombre de végéta*iens en France, même si on a encore un sacré retard par rapport à d’autres pays (miam, le foie gras…). Il y a encore peu de temps, le végétarisme était encore considéré comme un mouvement sectaire et bien que ce soit toujours le cas pour certaines personnes, on ne peut qu’observer l’acceptation de ce mode de vie en général : les restos végéta*iens (ou proposant une réelle alternative) commencent à se développer, certains supermarchés mettent en place des gammes de produits destinés à ces consommateurs (Carrefour pour ne pas le citer), on s’indigne du traitement des animaux en élevage… Les végéta*iens ne sont plus des monstres qui se baignent dans le sang d’un carniste sacrifié un soir de pleine lune (sorry not sorry).

« Être un citoyen, un humain conscient, consiste à s’interroger, toujours, sur les conséquences de ses actes. Cela concerne évidemment les animaux. »

Cet essai m’a apportée des réponses et m’a aussi fait réfléchir sur certains points, j’en potasse d’ailleurs toujours quelques uns. Si je refuse par principe l’adhésion totale à la façon de penser d’une autre personne, je ne peux que respecter la réflexion, la recherche et le combat d’Aymeric Caron.

15 réflexions au sujet de « Antispéciste – Aymeric Caron »

  1. C’est un article très intéressant et tu m’as vraiment donné envie de lire cet essai. J’avais lu « no steak » du même auteur, cela m’avait beaucoup fait réfléchir sur énormément de questions.
    Par contre, quand je lis que  » ça empêchera peut-être certaines personnes de me traiter de fanatique » je me dis que ta vie ne doit pas être facile tous les jours…il ne me viendrait pas à l’idée d’aller embêter une végétarienne / végétalienne…sur ses convictions, vu qu’il/ elle « respecte » celles des autres…mais bon, il y a vraiment des c*** partout on va dire…

    Je connaissais ce terme vaguement en tout cas, avec une définition tout aussi vague et juste à la fois et je serais très curieuse de lire les solutions qu’il propose (parce que je suis d’accord avec toi, ce n’est hélas pas un monde de bisounours où tout va se régler par baguette magique!)
    Merci pour cet article en tout cas (et désolée pour le commentaire pas très organisé^^) je vais essayer de mettre la main dessus dans une bibliothèque!

    1. Merci beaucoup, si j’ai pu t’encourager à le lire je suis contente ! J’ai « No steak » dans ma PAL depuis samedi justement, je crois que tu l’as vu sur Instagram.

      Dans la « vraie vie » je n’ai pas (ou alors très rarement) de problèmes par rapport à ça, j’ai la chance d’avoir un entourage assez ouvert d’esprit. C’est surtout d’internet que je parle, car les végéta*iens n’y sont pas toujours bien traités, loin de là. Enfin il y a aussi une communauté de végéta*iens assez agressive donc c’est donnant-donnant je suppose, mais ce n’est pas une raison pour s’attaquer à ceux qui n’ont rien demandé. Même sur Babelio, quelqu’un a traité Aymeric Caron de fasciste, ça m’a remontée. Chacun ses opinions, certes, mais je trouve ça déplacé d’employer des termes aussi forts. En fait en lisant sa critique j’avais juste l’impression que la personne n’avait pas lu le livre… ou alors qu’elle l’avait feuilleté en étant déjà convaincue que c’était nul.

      C’est un essai très complet en tout cas, il est bien documenté et chiffré (sans pour autant nous assommer de statistiques toutes les 3 pages, je te rassure). J’espère que tu pourras le trouver en bibliothèque, il est encore assez récent.

      1. Normalement, le trouver en bib dans la capitale ne devrait pas être un problème…je dis bien normalement…parce qu’après vérification, il n’y a qu’un seul exemplaire dans les 76 bibliothèques municipales de Paris (aller, j’exagère, il faut en enlever une vingtaine qui sont spécialisées dans des domaines bien précis)…donc bon, c’est juste génial… Et franchement, ce n’est pas les bibs de Paris qui ont des soucis pour se procurer des nouveautés, loin de là!
        Quand à ma ville, évidemment, elle ne l’a pas et son réseau non plus, mais ça, je m’y attendais un peu plus.
        Le changement se fait, mais lentement on va dire. ^^

        Oui, j’ai vu que tu avais No steak, je pense qu’il va te plaire, même si je ne pense pas que tu vas y apprendre grand chose…
        Quand à internet, je pense que c’est le plus grand rassemblement de trolls possible souvent…

        1. En fait le problème c’est que les 3/4 du temps ce ne sont pas des trolls mais bien des gens sincères :/.

          C’est dingue qu’il ne soit pas mieux diffusé dans les bibliothèques, surtout si habituellement tu trouves facilement les nouveautés. On a pas mal entendu parler de cette sortie en plus (avec un passage chez ONPC notamment). Pourtant ce mouvement commence à être réellement reconnu, spécisme et antispécisme ont d’ailleurs été ajoutés dans le dictionnaire récemment :).

    1. C’est un genre de lecture plus particuliers quand on a pas l’habitude mais celui-ci était très bien et assez justement dosé pour ne pas devenir ennuyeux.

  2. Je ne suis pas végata*ienne, et pour l’instant, j’avoue que je ne pense pas le devenir MAIS, cet essai m’intéresse énormément, et quand j’ai vu que tu le lisais, j’ai sauté de joie !
    Je me considère comme une personne ouverte ( sinon je ne serais pas là ), et lire l’avis et les arguments d’une personne antispéciste a l’air passionnant, surtout concernant la place de l’Humain dans le monde etc. Et même si l’on ne partage pas son opinion, le respect s’impose. Certaines réactions sont hallucinantes parfois…
    D’un point de vue philosophique, je trouve que ça soulève énormément de questions ( que je me pose souvent d’ailleurs, ces derniers temps) et cet ouvrage semble donner des pistes de réflexions intéressantes !

    Article génial et vraiment très interessant ! Merci beaucoup, c’était très complet et j’ai appris énormément de choses 🙂

    1. C’est cool si cet essai t’intéresse, j’espère que tu pourras le lire ! Et effectivement même sans être investie dans la lutte pour la protection animale, tu peux apprendre et réfléchir à plein de choses grâce à cet essai. Le début parle surtout des animaux d’élevage mais une grande partie du livre traite aussi de la société, de l’économie et du problème de la « démocratie » actuelle qui ne ressemble plus à grand chose. Il y a beaucoup d’interrogations philosophiques, surtout concernant l’éthique (évidemment) et la question du bonheur et de l’accomplissement de soi.
      Merci à toi pour ce commentaire super gentil !

  3. C’est vraiment chouette de se documenter comme ça, de ne pas manger végé** dans savoir vraiment ce que ça implique. J’admire ! Nous on devient de plus en plus flexitalien, mois presque végétarienne, du coup j’aime bien tout ce qui traite de ce sujet. Et l’idée que nous ne sommes qu’une quantité négligeable dans l’univers me semble tout à fait évidente. Je me demande même comment certaines personnes ne s’en rendent pas compte…
    Toutefois je ne sais pas si je me lancerais dans ce genre d’essai, je préfère ceux qui traitent de la nutrition et de la santé. Je ne suis définitivement pas un animal politique… (honte à moi mais bon, ça me dépasse à chaque fois…)

    1. Oui ces derniers temps j’ai envie de faire des lectures à ce sujet pour en apprendre plus, je ne sais pas vraiment pourquoi, juste une envie d’approfondir tout ça je suppose :). Le flexitarisme c’est déjà bien, mon copain s’y est mis aussi (je précise quand même que je ne l’ai forcé à rien hein :p). Je comprends tout à fait que tu puisses ne pas vraiment apprécier le côté « politique », ce n’est pas forcément celui qui m’intéresse le plus non plus, je suis plus intéressée par le côté éthique et le rapport de l’Homme à la nature.

      Eh au fait je viens de re-regarder mon ancien article sur le végétarisme où tu me demandais s’il existait des glaces vegan : la réponse est oui, j’en ai vu hier dans une épicerie spécialisée ! Je n’ai pas pu en prendre car on restait trop longtemps en ville après et elle aurait pris une claque avec la chaleur, mais je testerai ça à l’occasion.

  4. Je ne suis pas végétarienne et ne pense pas le devenir. J’ai au moins le projet de réduire ma consommation de viande et de poisson, ce qui serait déjà pas mal.
    Néanmoins, je pense que ce livre pourrait me faire réfléchir à certains points et me faire voir certaines choses autrement… Je ne doute pas du fait qu’il ne faut pas tout prendre au pied de la lettre, mais j’imagine que c’est le genre de livres où tout le monde trouve quelques leçons à tirer !

    1. Il s’agit effectivement d’un livre qui fait réfléchir même si tu n’es pas à fond dans le véganisme et la défense des animaux parce qu’il élargit la réflexion à toute la société (l’égalité entre les hommes et la difficulté de réellement s’épanouir et se réaliser dans la société consumériste d’aujourd’hui tiennent une grande place dans l’essai). L’antispécisme vu par Aymeric Caron s’élargit donc bien plus loin que dans la simple question animale dans une vraie philosophie de vie qui va avec, parce que libérer les animaux c’est aussi perdre certaines industries et se tourner vers une écologie « profonde ». Bref j’arrête là, toutes ces idées sont beaucoup mieux développées dans le livre si ça t’intéresse ^^.

  5. Comme toi j’ai trouvé cette lecture enrichissante et malheureusement nécessaire.
    J’ai moi même écris un article dessus et j’ai partager ton lien dedans.
    Merci pour ta chronique !
    Bonne journée

  6. L’intérêt de cet ouvrage est vraiment de montrer que le véganisme et l’antispécisme, remettent plus largement en question la société, sans s’arrêter aux animaux.
    J’ai aussi beaucoup aimé l’humilité des premiers chapitres, comme quoi nous sommes insignifiant·e·s. Ca m’a fait beaucoup réfléchir ces derniers temps !
    Je viens de publier ma chronique de ce livre, si ça t’intéresse :
    http://www.bibliolingus.fr/antispeciste-aymeric-caron-a129511894

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